La bergère
Je suis bergère. Je prends soin de la Vie. Je suis auprès des brebis qui mettent bas; Je suis auprès des agneaux qui viennent au Monde; Je suis auprès des béliers qui protègent. Je suis bergère tant pour celle que je suis que pour ceux qui m’entourent. Je suis bergère depuis toujours.
J’ai d’abord pris soin des miens, ballotée par des parents perdus, mais toujours avec eux pour nous arracher au chaos. J’ai longtemps cherché à me comprendre, à comprendre les hommes, les femmes, ma famille, le Monde. J’ai souffert immensément de voir la folie humaine, l’évidence qu’ils manquaient, les masques qu’ils revêtaient; leurs armures qui les séparaient. J’ai souffert du manque de contact, du manque de présence. J’ai hurlé sous la lune prenant ma peau de louve , hurlé au Monde mon Amour du Vivant et mon désespoir de voir qu’on peinait tant à le laisser circuler.
J’ai pleuré si longtemps que des larmes de cristal ont trouvé leur nid en moi et qu’un palais en est né. Un palais pré-cieux. Un endroit d’une beauté lumineuse capable de tout accueillir, les joies, les peines, les désespoirs, les colères, l’indignation et tout ce qui n’a pu trouver de mots devant les merveilles ici et là partout à l’entour; un creuset alchimique dans lequel tout se transforme pour revenir à la Vie et servir le Vivant.
D’ouverture en ouverture, la paix s’est installée en moi avec tout ce qui n’est pas paix. Je ne cherche plus à mettre du sens; je me laisse envahir par ce qui est au-delà du sens. Mon cœur qui n’a jamais connu la mesure continue son mouvement, telle une fleur de lotus qui n’en finit pas de s’épanouir et je m’émerveille encore et encore d’en sentir la vastitude.
Cette connection au Vivant me dépasse, me bouleverse, me touche, me chamboule. Je suis en contact avec l’infinitude, les étoiles au plus loin du cosmos, les voies lactées, ce qui ne se pense pas, les profondeurs océaniques. Je suis en gratitude de ce qu’il m’est donné de vivre.
D’ici, les jeux de pouvoir et autres jeux sociaux qui m’ont tant affecté, ne sont que détails insignifiants. D’ici, les souffrances perpétuées par les humains en souffrance à d’autres humains, ne peuvent qu’être accueillies avec toute la tendresse et la délicatesse qu’elles réclament. D’ici, j’observe l’humanité en gestation d’elle-même avec ce regard d’Amour qui est essence de l’Être. D'ici, je vois le féminin et le masculin en chacun.e en recherche d'équilibre. D’ici, je me sens pleinement humaine parmi les humains en chemin vers mon Humanité. D’ici, je contribue à ce Monde merveilleux qui appelle à naître. Chaque fois que mon cœur s’ouvre un peu plus, c’est le cœur de notre planète qui se réchauffe pour sortir de l'ère glaciaire que nous avons traversé. Chaque fois que je peux entendre avec l’oreille du cœur un cœur asséché, c’est toute l’humanité qui s’en trouve apaisée. Et quand les hommes et les femmes s’apaisent, ils prennent soin du vivant.
Ici, je rencontre des Êtres inestimables dont “la seule valeur se mesure aux battements du cœur”. “Respect à ces chercheurs d’Humanité” qui n’ont jamais lâché, ont toujours ravivé la flamme au milieu du chaos et de l’inconscience. S’ils ont perdu leur insouciance, c’est pour mieux percevoir le bonheur d’être en vie, la joie d’être Vie et d’illuminer le Monde.
Ici, j’ai rencontré mon berger. Heureuse rencontre qui n’attendait que nous. De lui, de moi et de la Vie est né un Nous. Et ce Nous, nous connecte au Tout. Cet Amour est bénédiction. Nous nous laissons cueillir par la Vie avec un total engagement. Je mesure à ses côtés à quel point j’ai manqué jusque-là de ne trouver d’espace qui sache accueillir l’Amour sans mesure qui me traverse. Fallait-il que je rencontre un être avec cette même démesure, cette soif d’absolu qui fait fi de toute convention. Nos rencontres sont communions et quand nos corps sont éloignés, nos êtres sont présents l’un à l’autre au delà de l’imaginable dans une folle communication extra-sensorielle. Cela aussi parle de moi… et de lui.