indelebile

carnet de voyage

le Berger :

Tic tac tic tac. La joie glisse du passé au futur. Du ce qui a été a ce qui va être.

Un point de bascule bien délicat a situer précisément dans le temps. Rien n'estompe vraiment ce qui a tant rempli. Rien ne décrit ce qui n'est pas encore écrit. Et pourtant l'instant présent donne des signes de ça va arriver. Des signes de dans 24h tu seras dans mes bras. Cette simple promesse suffisante a caresser le temps qui passe, comme une promesse grandissante de je suis déjà heureux. Mais pourtant je l'étais déjà aussi. De ce plein qui m'a rempli et qui m'envahit comme un état indélébile. Quand le temps vacille autant c'est sur ça le goût d'un “ touché, coulé ” de Cupidon. Un goût de quelle mouche m'a donc piqué, nous a donc piqué. Quand le soleil se couche, même Respirer me donne envie de fermer les yeux pour mieux sentir ta présence. Tu es là comme un filtre d'A... Mon A....

Réponse de la bergère :

Étonnant cet état où chacun était heureux, où il ne semblait rien manquer, où rien n'était attendu, où il semblait que le plein était état d'être intérieur... Alors que soudain tout bascule. Le plein devient creux au cœur du ventre, l'attente a pointé le bout de son nez joyeusement, le manque est devenu palpable, le bonheur est de se retrouver.

Curieux ce que rien n'est pareil alors que rien n'a vraiment changé semble t-il.

Une petite flamme allumée on ne sait par quel souffle mystérieux, ou peut-être une braise qui ne s'était jamais éteinte et attendait son heure pour devenir feu de joie.

Mon cœur s'est pris au jeu, épris de toi.

Le tic tac délicieux s'amuse de l'impatience. Demain a hâte d'être aujourd'hui.

Dialogue intérieur de la bergère

Il y a de folles histoires qui ne peuvent se passer de mots. Celle-ci en est une et c’est la plus sensée qui ne se vive en ce monde. Le plus insensé est de ne pas laisser la folie s’inviter ; pire encore, est de lui fermer la porte quand elle s’est pointée. La Vie a le visage de l’invité surprise ; celui que l’on n’attendait pas, ou plutôt celui qu’on a toujours cherché sans même savoir qu’on le cherchait. Celui pour lequel on a prié, mais auquel on n’osait pas croire pour être sûre de n’être déçu. Le vivant ressemble à ce qui vient bousculer, à ce qui chamboule tout en silence, à ce qui bouleverse de la tête aux pieds, des pieds à la tête jusqu’à la pointe des cheveux.

Comment imaginer que la vie ait pu être autrement. Tout ce qui a existé jusque-là semble être pâle copie d’une tentative d’existence. En un instant, tout a été emporté pour ouvrir sur une clarté inimaginable. Un bleu azur indélébile qui a tout coloré; le ciel, la terre, la mer, nos corps, nos cœurs, nos visages béats… Le temps n’en a pas terminé de s’arrêter. Le temps est avec nous. Il nous a fait une place au soleil et il rit de voir tant de bonheur. Il a ouvert un parapluie au-dessus de nos têtes pour recueillir les arc-en -ciel et nous les offrir en cadeau.

Mon corps s’est fait offrande pour recevoir la Vie sous la pluie de la fin d’été. Sous l’abri grand ouvert, le vent s’est engouffré pour camoufler nos corps comme on cache un trésor. L’orage, son complice a déployé ses ailes et couvert le silence pour nous laisser l’aisance de s’aimer secrètement.

La joie s’est installée presque sans un bruit, mais pour qui sait tendre l’oreille, elle s’est mise à chanter une douce mélopée ; elle s’est mise à scander un chant tribal habité; elle s'est mise à murmurer une mélodie d’un autre monde comme venue du fin fond du cosmos, ou des profondeurs océanes. Un chant que personne n’avait entendu jusque-là ; Un chant naît dans l'instant que personne ne pouvait plus ignorer.

C'est l'océan qui a vu naître notre amour. Il a éclos sous les étoiles après une longue gestation. Des années à grandir à l’abri des yeux, mais pas à l’abri des cœurs. Nos cœurs lui avaient déjà fait une place. Seule ma tête s’en était échappé par peur de voir mon sang se vider de la place qu’il avait réservée. Un cœur qui saigne, je l’ai déjà vécu. Je sais à quel point l’hémorragie est difficile à endiguer. Et à trop perdre de sang, on ne sait combien de temps la Vie circulera encore dans nos veines.

Pourtant, la Vie peine à assurer sa présence tant que l’on protège le cœur…

Le corps sait l’essentiel. Quand le cosmos cherche à étendre sa conscience, c’est par lui qu’il passe. Il sait à quel point on ne peut guère lui résister. L’appel du corps est puissant et il faut bien cela pour que l’humain entende ces mots venus du plus profond des cieux. L’urgence est à l’Amour, à la conscience ultime, à l’ouverture au Tout. Il s’agit de l’entendre. Et pour que je l’entende, il a fallu que le détonateur soit assourdissant.

Je n’ai plus pu détourner mon regard, écouter mes terreurs. J’ai été soufflée, incapable de résister; j’ai capitulé, abdiqué.

Délicieux abandon de Soi qui donne à devenir océan comme le fleuve rejoint la mer.

Délicieuses eaux du dedans qui se donnent à la Vie pour honorer son flux.

Rien n’a tant d’importance que ce qui se vit là. L’Amour s’offre ainsi du commun des mortels à l’infinie Présence. Les corps jubilent, les cœurs s’enflamment, ou peut-être est-ce les cœurs qui jubilent et les corps qui s’enflamment. La chaleur est presque brûlure, mais tout autre qu’enfer. Cette brûlure, loin de consumer, est féconde. Elle est creuset alchimique et tout à la fois alchimie. Elle est l’espace de la transformation et la transformation elle-même. Elle est ouverture, porte à l’aube de la Vastitude sur le chemin initiatique de la Vie.

Le tambour bat dans mes veines; mon ventre se réjouit de l’invisible connection. Et je prends patience en l’instant comme d’autres prennent appui sur un socle. Nos êtres au-delà des espaces se trouvent enlacés et ne se délacent que pour mieux se rapprocher. Je me régale du moment où je mêlerai mes cheveux aux tiens.

sous les étoiles d’un bivouac

La Bergère

Mais quelle puce m'a piqué pour que je sois ainsi retournée ? J'abdique sans résistance. J'offre toute volonté sur l'autel du dénuement. C'est sûrement qu'elles étaient nombreuses à me piquer ces coquines! Je n'ai rien pu y faire. Elles s'en sont données à cœur joie de sauter sur nos corps brûlants recouverts d'un sac de couchage, seule protection à notre intimité. Elles ne m'ont pas loupées ; elles ont laissé leur venin sur ma peau. Des boufioles écarlates à l'extérieur et un fluide incolore à l'intérieur s'est immiscé partout sans même que je l'ai senti venir. Les couleurs de l'arc en ciel mélangées se sont coulées en moi de manière insidieuse et subtile. Le venin s'est inoculé dans chacune de mes cellules, bien plus rapide qu'aucun virus. Me voilà sans ressources à la source du tout. Je ressens l'impuissance devant la puissance qui se joue de moi. Je ne trouve pas de frein à ma faim. Ça y est les symptômes se déchaînent. Est ce le début ou la fin ? Me voilà prise au piège d'une danse (d'une transe ?) dont la grâce me dépasse. Ah, l’eau de là haut en semence de joie l’humus d’ici-bas ; Oh, rage de nuit fée des cœurs aimantés, rencontre inouïe ; Fraîche heure océane jouit des corps déliés ensevelis d’amour ; Vastitude en sablés dorés au crépuscule, souffle des cieux; des Dieux ? Rêve éveillé d’une folle sagesse murmure du laisser Être ; Lune pleine d’elle-même témoin d’émois et toi offerts au Soi ; Eléments complices de la grâce des mains bénis par l’Un conscient ; Un Nous est né  au cœur du cosmos.

Réponse du berger

Un nous à nous nous sommes donc touchés. Nous sommes KO dans cet OK Oui tu as réveillé mon amour universel. Il sommeillait en moi et maintenant mon cœur le murmure. C'est comme une infusion lente et progressive ; on n'ose y croire on s'en nourrit une fois, deux fois, on y re goute pour en être bien sûre. Et fort de constater que les dégâts sont croissant : une douce Addiction s'installe, une évidence, une profondeur dans une douceur sans borne qui nous nourrit. Une absence de peur remplacée par une envie d'absolu de bonheur qui nous nourrit. Une absence de question car les corps n'ont que faire des mots. Une absence de conventions car la vie réclame dans l'instant présent l'émerveillement qui nous nourrit. Force de constater notre Soif et pour y répondre quelques soit la proximité des autres quand le soleil se couche nous nous y abreuvons dés que la pluie nous couvre nous nous y abreuvons dés que les vents soufflent nous nous y abreuvons en complète motilité pendant la pleine lune. Cet environnement que l'on n'ose déranger se révèle être source de notre créativité A être quoi qu'il arrive. A faire  quoi qu'il en pense. Une Corne d'abondance dans nos cœurs est née. Elle m'inspire de la gratitude, une immense douceur, celle nécessaire à  accueillir un bien inestimable qui pourrait se nommer “un petit bonheur”